mardi 9 juin 2015

Louisane & pays cajun: une expérience exceptionnelle du bayou #roadtrip #6

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Alors, au risque de casser le suspens, cette journée fut ma préférée de tout mon road trip.
Et le mot que je choisirais pour la décrire le mieux serait "authentique". Pour la nourriture, les gens et l'expérience globale.


J'avais pris idée de faire du kayak dans le swamp. Déjà en Floride, je voulais faire du kayak ou une balade dans les Everglades, mais devant l'enthousiasme des Keupines, j'avais finalement renoncé à l'idée, sans doute moi-même un peu couarde aussi.
Après lecture attentive du Routard, mon ami fidèle, les seuls endroits où le kayak était praticable se trouvaient à presque deux heures de route de Thibodaux, du côté de Breaux-Bridge, capitale mondiale de l'écrevisse, détail important pour la suite.

Arrivée à Breaux-Bridge, je me suis directement rendue à la location de kayak, tenue par un jeune homme blond à la peau halée par le soleil et à la barbe de trois jours totalement écolo, ah et il avait aussi de très beaux yeux bleus (adresse est numéro de portable ci-dessous...), qui était tout à fait d'accord pour me laisser partir pagayer sur le swamp en début d'après midi.
Bayou Teche Experience
317E Bridge St

337 366 0337

Comme il était cool, il m'a aussi conseillé quelques restaus et les plats à ne pas manquer. Mon choix s'est porté sur le Café des amis, parce qu'il était juste en face et que j'allais quand même pas laisser le surfeur californien écolo de Louisiane sans surveillance, non mais. J'ai bien évidemment testé la spécialité recommandée, à savoir la sauce de ma salade, un tantinet épicée et sucrée et vraiment jamais testée ailleurs. Au passage, ce café propose des brunchs musicaux le weekend qui ont vraiment l'air sympa, mais le lendemain, j'avais un avion pour LA à prendre, donc je n'ai pas pu tester...
Cafe des amis
140 E Bridge St
337 332 5273


Toujours est-il qu'à 13h30, j'étais dans mon kayak, avec mon gilet de sauvetage pour limiter les coups de soleil (bien m'en a pris), je précise, hein, parce qu'en cas d'attaque par un alligator, ma pagaie s'avèrera sans doute plus utile que le gilet. Quand tu vois le nombre de dents de la bestiole (40 quand même, avec une mâchoire qui peut broyer des os), toute vaillante que tu es, tu te poses quand même la question de comment tu vas te défendre quand Ali (le Gator, pas Mohamed. Je précise parce qu'en ne lisant que cette phrase, on pouvait avoir un doute) va t'attaquer. Même s'il n'y a aucun risque qu'il t'attaque, de toutes façons t'as lu sur Wikipedia que les crocodiles sont plus dangereux pour l'homme que les Ali. D'ailleurs, le film c'est Crocodile Dundee, pas Ali Dundee, hein, donc tu ne risques rien, c'est quasiment sur. Quasiment. Bref, tu te saisis de ta pagaie, tu suis les indications du Bob Morane blond local et tu pars vers l'est, pour aller dans le swamp, le vrai, celui avec les arbres (des cyprès chauves) qui poussent dans l'eau, la mousse espagnole qui tombe et la lumière tamisée légèrement pesante de ce genre d'endroit.


Au début, comme t'es trouillarde (soyons réaliste) et que tu as été traumatisée par ta dernière descente de l'Ardèche en canoë pour un EVJF (37 km en deux jours, dont 85% le premier jour; à la fin du weekend t'avais perdu cinq kilos et tu avais développé des muscles qui te donnaient des airs de pongiste ambidextre et lors duquel ton fait d'armes restera quand même ton sauvetage après cinq minutes à bord, par deux types binouze à la main et clope au bec, parce que ton canoë se faisait la malle dans les rapides tandis que tu galerais à rattraper tes pagaies), tu restes sur ce qui ressemble à des voies navigables et tu évites soigneusement branches flottantes et autres nénuphars de peur de rester coincée et de devoir mettre un pied dans l'eau pour relancer le navire.


Et puis, chemin faisant, tu vois de beaux oiseaux. Oui, parce qu'après avoir scruté comme une malade le moindre bout de bois sur lequel Ali pourrait s'être installé, tu finis par penser qu'ils ont tous migré à l'ouest, satanés capitalistes. Et tandis que tu longes un Nième monticule de bambous, paf, tu le vois! Ali, tranquille au soleil. Trois mètres de long quand même la bestiole, c'est autre chose que ce qu'on avait vu dans les Everglades! Comme t'es aventurière mais pas trop, tu le scruptes du regard, mais tu veux pas le déranger, donc tu ne lui lances pas, en le fixant dans les yeux (marron, contrairement aux croco dont les yeux sont verts, cf. Katherine Pancol tout ça tout ça), "baisse les yeux quand je te parle!". Cela dit il avait déjà les yeux mi-clos, attitude fourbe s'il en est, c'est bien connu.. Tu pagaies encore un peu et paf y a un truc qui plonge devant toi! Tu n'étouffes pas du tout un cri à la pensée que cette satanée bête aurait pu faire chavirer ton embarcation, non et tu continues bon an mal an, jusqu'à comprendre que ce que tu pensais avoir été un alligator pervers qui avait voulu mettre à mal ton aventure n'était en fait que l'une de ces nombreuses tortues qui, en effet quand elles t'entendent arriver, plongent pour se planquer.

[L'arme fatale]
Et puis, les oiseaux. Pas des mouettes ou de simples cormorans, non, des oiseaux enooooOooormes. La dernière fois que tu en as vus d'aussi enooooOooormes, c'était dans une réserve au Kenya. Des blancs et des rose-rouge. Tu oublies très vite l'idée qu'il puisse s'agir là de flamands (Camargue, représente!) et tu te décides plutôt pour des ibis. Et pour les blancs, comme ils ressemblent quand même énormément aux rouges, on va les appeler des ibis blancs. Ils sont vraiment majestueux, ils arrivent à se poser sur des branches, c'est un véritable numéro d'équilibriste. Il y a plein de nids partout, des nids enooooOooormes bien évidemment aussi. 
Tu te rapproches un peu, juste pour voir, parce qu'il y a quand même une centaine d'oiseaux juste devant toi, c'est juste magnifique.
[Magnifique, vrqiment !]
Bien sur, tu remarques le panneau qui dit "boats forbidden" mais comme t'es en canoë, il ne s'adresse pas à toi. Alors tu t'approches encore un peu plus près, la tête en l'air pour admirer le spectacle. C'est un peu plus dur de pagayer car les nénuphars sont plus présents, mais qu'importe, c'est beau. Et puis après avoir trouvé ça beau pendant un quart d'heure, tu te dis que tu es peut être un peu trop près des nids, que c'est quand même bizarre que tu puisses les approcher d'aussi près, parce que, quand même, c'est un vrai sanctuaire écologique et ornithologique. Tu repenses au panneau. Tu commences à regarder avec appréhension les gros oiseaux, mine de rien, les mères qui protègent leurs nids n'ont pas l'air commodes. Tu décides donc de t'éloigner promptement, pour retourner sur le lac. 

Sauf que sortir du marécage s'avère plus complique que prévu. 

Toute occupée que tu étais à observer les piafs, tu en as oublié ta peur de rester coincée sur une branche et tu t'es engouffrée dans une purée de lentilles d'eau. Vraiment. Et chaque mouvement de pagaie te demande de découper des lentilles qui sont tissées entre elles. Je me demande si les nénuphars-lentilles, ça n'aurait pas une reproduction par stolon, comme les fraises, vague souvenir de cours de bio au collège. Je hais la bio, je vous l'ai déjà dit? On s'en fout, je sais, mais la, il fallait que je le dise.

[Tu comprends pourquoi c'était pas simple de pagayer ?]
Au bout de 35 minutes, tu as avancé de 5 mètres. Véridique. Tu commences à paniquer. Parce qu'en plus, quand tu regardes le GPS de l'iPhone, vue satellite, ça a l'air encore bien lentilleux tout autant devant que derrière toi. Après t'être encore escrimée un quart d'heure, t'être mise debout sur le kayak pour vérifier que Google maps ne te mentait pas en mode "Tintin et l'oreille cassée", avoir pensé que finalement, tu aurais dû emporter un couteau, comme tu voulais le faire en préparant ton sac initialement, tu t'assoies dépitée dans ton kayak pour analyser la situation. Deux solutions s'offrent à toi. Soit tu parviens en sanglant tout ce qu'il te reste d'abdominaux (parce qu'il faut dire ce qui est, tu as déjà bien donné niveau abdos avec les lentilles) à faire demi-tour, tout en n'étant absolument pas sûre de retrouver ton chemin de façon optimale, soit tu renonces à toute dignité et tu appelles le bel écolo,  en pensant à l'anéantissement total de ton image déjà bien pourrie de française new yorkaise. 


Mon égo étant ce qu'il est, je ne m'avouerais pas vaincue avant d'avoir tout essayé et j'effectue alors une manœuvre de demi-tour n'ayant rien à envier au commandant du Titanic pour éviter l'iceberg (est-ce la meilleure comparaison?) et je reviens sur mes pas(gaies), facilement repérables puisque c'est la seule traînée d'eau dans tout ce véritable sol de lentilles. Lorsque les eaux redeviennent un peu plus claires, je tente une navigation aux nids d'arbres (oui, en ville je me repère via les vitrines des magasins et bien, believe it or not, j'ai réussi à me repérer grâce aux nids des ibis) et parviens à m'extraire du marécage, pour revenir sur les eaux calmes du bayou.

Petite frayeur, donc, mais franche rigolade en y repensant, je repars à la chasse aux alligators. Oui, initialement c'est quand même pour ça que j'étais venue jusqu'au Lake Martin. En revanche, je me décidé à longer les bords du lac, avec seulement quelques arbres ici et la. Et en un quart d'heure, j'ai vu six alligators, dont quelques uns à moins d'un mètre (même pas peur).



Pour terminer cette journée en beauté, dîner dans un endroit surréaliste (Pont Breaux), à cheval entre le thé dansant (version cajun) et le restaurant, où j'ai commandé 4 pounds de crawfish (on était en pleine saison, la fête annuelle de l'écrevisse ayant eu lieu la semaine juste avant) à la vapeur, sans vraiment me rendre compte de ce que cela représentait. C'est évidemment le double de çe que je pouvais avaler. 
Pour clôturer toute cette aventure, j'ai été invitée à danser non pas par le bel écolo, mais par un papy fringant, au son endiablé de l'orchestre cajun.
Pont-Breaux (attention fermeture à 22h !)
325 W Mills Ave
337 332 4648

En conclusion, une petite question historico-touristique:

Le français entendu à Breaux-Bridge est-il vraiment du français ?
- A Breaux-Bridge, le français était omniprésent. Sur les enseignes dans les rues, mais aussi dans la bouche des gens. Tout le monde parlait au moins un peu le français et le comprenait plutôt bien. L'orchestre chantait d'ailleurs en français.
- Un français bien particulier puisqu'il s'agit plutôt de québécois
- Les cajuns sont en effet les descendants des Acadiens, chassés d'Acadie par les anglais (évidemment) au XVIIIe siècle et qui ont erré un certain temps avant de coloniser ces terres, plutôt hostiles à priori. Lu dans le Routard et vérifié auprès de la population locale, fortement enclin à parler généalogie (la leur) à l'annonce de ma nationalité

[Des chevrettes bourrées et des cuisses de ouaouaron, en même temps,
ça n'allait quand même pas être du français!]




L'integralite du voyage: ici

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